Mon Oeil

NOTE: This film is presented in French, without English subtitles

Un générique narré sur fond noir nous rappelle qu’à la télé comme au cinéma, on n’aime pas lire. Un film en noir et blanc, mais aussi en couleur, le temps de deux délirantes fausses bandes-annonces. MON ŒIL se présente comme une série de saynètes qui représentent à merveille le cœur de la Révolution tranquille, de ses revendications à ses exaspérations. Le tout se présente comme une soirée à changer de poste devant un téléviseur subversif. Des scènes sarcastiques telles qu’une religieuse mangeant une barre de crème glacée avec des ustensiles, un scout adulte adorant l’idée d’une bible en couleurs (donc moderne), ou encore un prêtre en soutane se déplaçant en ski nautique se succèdent à un rythme déstabilisant. Un voyage des descendants d’Adam et Ève au cœur du Québec des années 1960 — et si Adam et Ève avaient regardé la télé au lieu de croquer la pomme? Et si le fruit défendu n’était qu’une pomme décorative en plastique? Une série de tableaux où plusieurs personnages joués par Raôul Duguay portent tous le nom de Raôul Duguay. Que l’on pense à Raôul Duguay, grand nageur traversant le Saint-Laurent sous l’eau à l’image de tous les Québécois; Raôul Duguay, lecteur de nouvelles; Raôul Duguay, nu au paradis terrestre; ou Raôul Duguay, ministre provincial de la poésie qui supervise la construction d’un mur séparant le Québec du Canada anglais et des États-Unis. MON ŒIL est aussi un conte surréaliste sur la domination masculine et sur l’aliénation féminine. Si Raôul Duguay joue plusieurs rôles, celui de sa conjointe est tenu successivement par quatre actrices, et le mot de la fin appartient à l’une d’elles et se résume à ce mot fort de sens : NON!

Fantasia est fier de partager MON ŒIL, une œuvre d’une figure importante et prolifique du cinéma québécois, l’un des pères de notre cinéma indépendant, Jean-Pierre Lefebvre. Ce mythique long métrage a été réalisé en 1966, entre LE RÉVOLUTIONNAIRE et IL NE FAUT PAS MOURIR POUR ÇA, mais n’a été projeté qu’à trois reprises à la fin de janvier 1971. Puis, le film disparu pour se retrouver éventuellement dans les voûtes des collections de la Cinémathèque québécoise. À sa première projection publique depuis 2006, MON ŒIL est à la fois un ovni cinématographique, un pamphlet révolutionnaire, une satire poétique, une provocation dadaïste et un film résolument libre. Pensez à une farce politico-absurde, un peu comme celles réalisées par Jean-Luc Godard dans les années 1960, mais avec un accent résolument québécois. – Marc Lamothe