Étant l’une des cinéastes japonaises les plus fascinantes à avoir émergé sur la scène internationale ces dernières années — GRAND BOUQUET, inclus ici, était l’un des courts métrages sélectionnés par la Quinzaine des Réalisateurs cette année à Cannes — Nao Yoshigai a su imposer un univers unique, personnel et remarquablement cohérent. Chorégraphe et danseuse en plus d’être cinéaste, ses films présentent souvent des microcosmes fantastiques à l’intensité croissante, où les rythmes et pulsions souvent violentes, toujours audacieuses et étonnantes du corps humain et du monde naturel réservent nombre de surprises narratives : un monde de vent et de soleil, de souffle coupé, de peau — vivante et morte —, de sueur qui lubrifie les mouvements, de cheveux qui sifflent, de crocs qui craquent. En d’autres mots, un monde d’une grande beauté.
Dans STORIES FLOATING ON THE WIND (2018), une ville côtière de Kanagawa devient le théâtre de plusieurs récits chuchotés — immortalisés par une caméra expressive suivant une femme roulant furieusement à vélo, entourée d’enfants fous et de mouettes. Dans THE PEAR AND THE FANG (2018), Ayano, une jeune ermite, développe une obsession fantaisiste pour les poires. Ailleurs, Satoko fait pousser ces beaux fruits. Un jour, elle découvre le croc ensanglanté d’une bête près d’un sac de toile. Une poire a disparu, cueillie directement de l’arbre. Deux mondes s’entrechoquent. Dans HOTTAMARU DAYS (2015), deux mots s’entrechoquent : « Hotteoku » (laisser quelque chose tel quel) et « Tamaru » (accumuler) deviennent Hottamaru — la trace biologique de nos êtres — dans une veille maison en bois habitée par des nymphes dansantes. Alors que leurs rituels corporels deviennent de plus en plus intenses, elles découvrent la présence d’un autre être... Finalement, GRAND BOUQUET (2019) oppose une femme sans nom (Hanna Chan, aussi dans G AFFAIRS cette année) à une force sombre et mystérieuse. Alors que l’objet noir attaque, la femme, incapable de parler, déverse ses tripes dans une mer de superbes fleurs colorées. — Traduction : Kevin Laforest